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Vins Libres
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30 août 2010

Jean-Philippe Padié

 

Carnets de Route
en Languedoc-Roussillon

 

10. Jean-Philippe Padié

Pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris, Jean-Philippe Padié, c’est un pote incontournable, tout comme ses vins, pour lesquels j’avais déjà traversé la France pour les déguster lors d’un de ses premiers millésimes. Chaque fois que je l’ai ensuite rencontré, mon avis n’a jamais changé d’un iota, la sympathie et la simplicité de Jean-Phi transparaissent à travers ses vins qui sans manquer de complexité sont d’une grande buvabilité, avec beaucoup de fraicheur.
On imaginera donc bien que ce qui va suivre est forcément d’une grande subjectivité.

 

 

Notre homme fait donc du vin à Calce, où à part quelques « anciens » réfractaires à tout changement et adeptes des sols lunaires, tout le petit monde vinicole gravite autour du concept biodynamique dont Gérard Gauby a plus que jeté les bases dans la région, au point que tous ces djeunes qui sont, comme Jean-Phi, venus s’installer là, attirés comme un banc de poisson par une lumière vive dans la nuit, considèrent le Gauby non pas comme un maître, mais comme un véritable gourou.
Et il faut leur laisser qu’ils n’ont pas vraiment tort, n’y d’avoir travaillé chez Gérard et de s’en être inspiré, ni de s’être installé à ses côtés, parce qu’il respire un étrange parfum de symbiose autour de la petite place de Calce où trône la délicieuse auberge « Le Presbytère » où qualité culinaire vient se greffer au fait que si vous désirez rencontrer les zozos du coin, c’est par là que tout commence.
« Symbiose » est donc, à mes humbles yeux, le maître mot, tout le monde semblant profiter de cette relation particulière tissée entre la famille Gauby et les « élèves » comme Jean-Philippe.
La personnalité du maitre et de ses vins attire du monde de partout, et parallèlement, par le respect que lui prodiguent ses « élèves », la réputation du maître grandit.

 

 

Sols Calcaires

Et comme les élèves ont le bonheur d’affirmer leur style, leurs différences dans l’expression des vins, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Le décor est ainsi planté, enfin, le décor idéologique. Le géographique, lui est tout autant particulier, parce que les vignes de Calce semblent retirées du monde aux yeux des visiteurs débarquant d’Estagel par ce qu’on peut appeler une vraie route de montagne, et parce que l’on a ici un véritable patchwork de terroirs, consécutifs à de multiples fractures et de veines, lié à cet effondrement entre Corbières et Pyrénées. En fait…. On se croirait en Alsace.
Pour ajouter à l’intérêt de la chose, les vignerons du coin s’y partagent de multiples parcelles aux cépages multiples. Je dis « Alsace », mais pas question de tapis de vignes ici… c’est plutôt du plic ploc, le tout inséré dans une incroyable biodiversité.

 

 

Sols de schiste en ardoise

Après des études d’Agro à Montpellier où il rencontre Agnès, sa compagne, et avant de se lancer à son compte en 2003, Jean-Philippe fait un premier job au Mas Amiel, mais c’est en travaillant deux ans chez Gérard Gauby que sa construction de vigneron se met en place. Son amitié et son association avec son ami et globe-trotter humanitaire, Guillaume Jouquet, seront le signal définitif du début de l’aventure indépendante à Calce

 

 

Première parcelle du domaine

Jean-Phi y possède donc des parcelles calcaires, marno-calcaires, schisteuses et même une intéressante microparcelle d’ardoises. Il ne recherche pas actuellement de faire ressortir un terroir particulier, préférant, à la manière du melting pot, laisser l’alchimie des sols s’exprimer du floral au pur jus de caillou. Il est vrai aussi que les rendements « de m… », comme il dit,  (15 hectos et moins) et ce côté micro-parcellaire ne lui permettent pas trop de faire ce que Gauby réalise entre autres sur Coume Gineste.
Cela ne l’empêche pas de connaître la composition de ses sols au moindre détail et de les commenter avec bonheur lors de notre ballade en cette matinée ensoleillée et fraichement venteuse. Un autre facteur de diversité sont les multiples orientations des parcelles et le fait que souvent partie de celles-ci se trouvent protégées par un mamelon ou autre bosquet donnant de l’ombre.

 

 

Entrée du cuvier sur la place

La dégustation qui suit notre ballade se passe à deux endroits, d’abord dans le petit endroit de stockage sous la maison, puis au cuvier, 100 mètres plus bas, sur la place face au « Presbytère ».  Par facilité, je ne suivrai pas l’ordre de dégustation imposé par ce schéma bipolaire mais par quelque chose de plus classique.

 

 

Le premier commentaire sera donc pour le VDP des Côtes Catalanes « Fleur de Cailloux » 2009 issu de 50% de grenaches blancs argilo-calcaires, de 30% de grenache gris sur des marnes calcaires grises et de 20% de maccabeu sur des marnes schisteuses et élevé partiellement en cuve et en barriques. Après avoir connu quelques soucis sur d’anciennes cuvées absolument sans soufre, les vins sont très légèrement sulfités à la mise.
Dès le nez, on est ici sur une fraicheur remarquable où le floral domine la minéralité avec une incroyable légèreté. En bouche, la finesse égale la précision, l’acidité superbement maîtrisée apporte ce qu’il faut de fraicheur et le tout est emballé par une buvabilité qui empêche la bouteille de tenir plus d’une demi-heure. Si je n’ai pas toujours été fan de ces « fleurs de pierre », là, je suis conquis et c’est le cas à l’unanimité du petit groupe qui m’accompagne.

 

 

On passe ensuite logiquement au VDP des Côtes Catalanes « Milouise » 2009,, le nom provenant des prénoms Emile et Louise, ancêtres paysans de Jean-Phi dont il revendique les origines. Cette cuvée est composée à part égales de grenaches gris et blancs issus d’une mosaïque des meilleures parcelles, le vrai melting pot, et est élevée en demi-muids pendant 12 mois. Dès le nez, on sent ici une différence incroyable : si l’impression de fraicheur n’a pas disparu, c’est maintenant la pierre qui l’emporte contre les fleurs, avec une profondeur et une complexité assez austère. A nouveau, la bouche confirme le nez, l’énorme minéralité étant toutefois polie par le fruit et la fraicheur ambiante. Vin totalement de gastronomie (et le Jean-Phi, manger, ça le botte énormément), ce vin encore très jeune séduit par son incroyable puissance et la droiture de sa minéralité. La finale promet un grand avenir. Du travail de tailleur de pierre.

 

 

On attaque ensuite le premier rouge, le Côtes du Roussillon « Petit Taureau », nom donné en souvenir d’un titre de l’ami Nougaro qui prône la fougue et la générosité tout en rappelant, qu’avec Jean-Phi, on n’a pas affaire à un chti. La cuvée est composée de 50% de carignan, de 30% de syrah, et 10% de grenache noir et mourvèdre. Comme pour Milouise, on retrouve le patchwork de sols, bien que le schiste soit ici dominant. Les raisins sont égrappés, macérés de manière traditionnelle environ un mois puis le vin est élevé en cuve béton  environ 12 mois.
Trois millésimes ont été goûtés :
Le Petit Taureau 2007 a un nez d’abord un peu réservé puis s’ouvre doucement sur du fruit (rouge) et des notes épicées. La bouche est fraiche, tendue avec des tanins très souples et le fruit se montre nettement plus vif qu’au nez. On n’est pas vraiment sur une gourmandise comme certains plus anciens millésimes, 2007 apportant un peu d’austérité ce qui donne à ce vin, surtout en finale beaucoup de profondeur et une grande sensation d’équilibre.
Le
Petit Taureau 2008
, lui, est vachement plus généreux dès le nez, délivrant un gros bouquet de fruits rouges qui me rappellent un peu la Rozeta de Maxime Magnon. Une fois de plus, est-ce une marque de fabrique chez Jean-Phi, la bouche n’étonne pas, tellement elle est en cohérence avec le nez. Si la fraicheur est toujours là, on rejoint avec le côté gourmand du fruit l’appel à la torchabilité déjà présent sur les « fleurs ». Jamais trop tannique, mais pas sans relief, ce vin s’avère idéal dans la générosité.
Le Petit Taureau 2009, goûté sur cuve, semble prometteur par sa générosité qui le rapproche plus du 2008 que du 2007, mais la réduction actuellement présente rend le vin d’un accès plus difficile. Je pense qu’il fera quelque chose d’aussi explosif que son ainé direct.

 

 

Et on arrive doucement à la dernière cuvée du jour, le Côtes du Roussillon « Ciel Liquide », au nom inspiré d’une rime de Baudelaire reprise par Gainsbourg « un ciel liquide qui parsème mon cœur d’étoiles ». Carignan et grenache noir à 30% chacun y côtoient 15% de syrah et de mourvèdre issus à nouveau de nombreux terroirs variés. L’élevage est ici plus long (18mois) et se fait dans le bois, jamais neuf.
Le Ciel Liquide 2006,  pour commencer, offre un nez alliant les fruits du taureau à la minéralité de Milouise. Déjà ouvert sur des notes évolutives, la complexité s’impose dans une forme de recueillement. La bouche est d’un équilibre fusionnel entre fruits, tanins souples fraicheur et profondeur. Lentement, la roche se met à dominer pour tout maîtriser sur le finale. Un très grand vin.
Le Ciel Liquide 2008, ensuite, dégusté sur fût, est plus généreux au nez avec un fruit plus présent bien que la trame minérale si bien présente. En bouche, tout est splendidement intégré avec un fruit qui emplit littéralement la bouche avant que le roche fasse valoir ses droits. Un vin incontournable, équilibre parfait entre complexité et générosité, un vin à la finale magique qui déjà fait rêver. Grand !
Le Ciel Liquide 2009 clôt les débats. Au nez, il a un peu le même soucis que le « taureau », soit une pointe de réduction et un peu de volatile, mais très vite les aromes nobles prennent le pas et on retrouve tant au nez qu’en bouche ce très bel équilibre entre fruit, structure tannique et extrait de roche. Un vin de terroir qui grandira lentement, sûrement et plus que probablement, prodigieusement

Jean-Philippe Padié et ses vins ont tout d’une œuvre poétique avec la musicalité complexe d’une Moldau où l’on respire, l’on se secoue, et l’instant d’après, l’on fainéantise doucement, mais toujours où on respire le bonheur, celui de vivre simplement sa condition de vigneron dans un pays à la fois dur et généreux.  Il y a aussi la douceur et le calme rationnel d’Agnès, sa compagne, rencontrée au repas de midi, le complément parfait, la symbiose… à nouveau !
Et puis, il y a Calce, et cet espèce d’envoutement qui fait qu’on ne voudrait jamais partir pour pouvoir se transformer comme ceux que j’ai eu le bonheur d’y rencontrer en quelque chose qui n’est ni un lieu, ni un humain, une forme d’intégration parfaite… des « Ents » probablement, mais si incroyablement vivants.
En écrivant ceci, mes yeux brillent d'émotion… j’ai croisé l’homme et la terre unis comme un couple inséparable, c'est beau !

Domaine Padié
Jean-Philippe Padié
Rue Pyrénées, 11
66600 Calce
TEL : 04 68 64 29 85

Web :
www.domainepadie.com

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