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20 février 2012

Levurons avec Léon

Levurons avec Léon....
ou
"In vitro veritas"

Dans son article « La supériorité des levures indigènes : un fantasme de naturistes ? », David Cobbold veut nous démontrer, non sans brio, qu’il n’en est probablement rien, particulièrement en terme de garde et d’aspect sanitaire des vins.
Bien évidemment, vu sous cette optique, peu de gens auront la raison scientifique de lui donner tort. Mais de là, à associer au « naturisme » des vins et aux modes qui l’entourent, la pratique de l’ensemencement indigène, à le rendre par une démonstration scientifique presque suspicieux, il  y a quand même des raccourcis qui me sont difficiles à lire.

Le premier raccourci est de donner à ceux qui préfèrent l’ensemencement naturel l’image de frénétiques intolérants qui affirment avec certainement tous autant d’excès que le traitement médicamenteux des cancers est une aberration par rapport  à la force de la pensée et de la non-intervention.
En fait, à part certaines minorités pour lesquelles je respecte leurs convictions sans pour autant les approuver, personne, je pense,  n’a jamais prétendu que les levures indigènes étaient « meilleures » que les levures sélectionnées, particulièrement en termes de performance, de salubrité et même de potentiel de garde.
Hors, j’ai beau lire et relire votre article, Monsieur Cobbold, je ne parviens à y voir qu’une forme de sectarisation dans le choix de ses levurages, surtout quand vous associez à une pratique séculaire, récemment rendue modifiable, contrôlable, par l’avènement des biotechnologies, un phénomène de « mode » dont il y aurait lieu de se méfier, ce qui me paraît, en fait, un comble.

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Le second raccourci, lié au premier, est de vouloir dès lors montrer les utilisateurs de levures indigènes comme de têtus soixante-huitards doucement rêveurs, des naturistes intolérants face à cette désormais évidente qualité supérieure que représente l’usage de levures sélectionnées, en fait, à les montrer comme des gens bornés à rester figés dans leurs pratiques préhistoriques alors qu’en fait ils ne se réclament pas, par leurs pratiques, de la recherche du « meilleur » et de ce que tout ce que cela comporte dans notre société actuelle qui prône l’amélioration par l’aseptisation.

Imaginons même que vous pourriez avoir raison l’ombre de quelques instants, où donc nous mène votre raisonnement ?
Indéniablement, sous le couvert de faire meilleur à tous niveaux, votre choix ou du moins le choix que vous mettez en opposition au « naturisme » ne peut qu’accélérer la culture du vin « produit », nouvel emblème de la mondialisation victorieuse qui préfère un produit pasteurisé, fixé organoleptiquement, à une diversité toute terrienne voir même humaine.

Loin de moi de vous jeter la pierre de choisir la voie de l’industrialisation triomphante et de l’avènement de son enfant-produit, c’est votre liberté, et, visiblement, le choix de nombreuses personnes dans ce monde. Mais soyez aimable de ne pas diaboliser pour autant ceux qui ont fait le choix de la diversité, de la variabilité lié au naturel en les montrant comme des utilisateurs d’un produit inférieur.

A vrai dire, derrière votre article, aussi bien documenté scientifiquement soit-il, se pose le choix entre le fait pour moi d’ouvrir une Jupiler, produit hautement contrôlé et stabilisé, à une gueuze Cantillon, dont je sais pertinemment bien qu’elle différera d’un brassin à l’autre, voire d’une bouteille à l’autre, mais qui me donnera une émotion bien plus humaine que celle que me procurera la dégustation séquentielle de différentes Pils industrielles ou de sodas que je ne nommerai pas.

Prétendre, en voulant prendre le contre-pied de ceux qui défendent le naturel avec acharnement, que l’industriel est « meilleur », n’a rien de qualitativement humain, car vous savez tout aussi bien que moi que c’est de la diversité que survit la richesse de la vie.

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Commentaires
M
Je viens ici sur le tard... Juste pour préciser que mon collègue de blog n'est pas non plus un très chaud partisan de la bio, de la biodynamie, ni de l'influence du terroir dans le goût du vin http://les5duvin.wordpress.com/author/les5duvin/?s=terroir <br /> <br /> Tout cela va donc dans le sens de la diversité par nous choisie dans l'élaboration de notre site des 5 du Vin.<br /> <br /> Par ailleurs, une fois de plus, je me suis régalé à la lecture du papier de Patrick dont je partage l'essentiel du point de vue.
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M
Santé !
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D
Cher Patrick, <br /> <br /> laissons tomber si vous le voulez bien le "monsieur".<br /> <br /> Merci pour votre réponse. Je suis sûr que ne nous sommes pas si éloignés l'un de l'autre, même si de prime abord tout semble nous opposer. Il nous manque le verre de vin (d'Alsace, bien sûr) pour nous permettre de prolonger le débat. Il nous faudrait parler de ce que représente le terroir pour chacun de nous.<br /> <br /> Si je reprends l'exemple du Sauvignon (que je connais bien), je ne prône pas par dessus tout l'expression pipi de chat, ni fruit de la passion, ni groseille à maquereau, ni asperge, ni buis, ni bourgeon de cassis, ni mangue, ni pamplemousse, ... Simplement, je trouve passionnant de constater que sur les calcaires de Barsac, sur les graves de Léognan, sur les calcaires de Bué, ..., ce cépage possède une expression différente qui, quand elle est respectée, constitue la signature d'un terroir. Les précurseurs d'arômes du Sauvignon dont je parle s'accumulent naturellement dans le raisin, en fonction de l'alimentation hydrique et azotée de la vigne, liées au type de sol et de sous-sol, à son travail par l'homme, à la viticulture qui y est pratiquée (rendement, travaux en vert, date de vendange, ...). Ils sont l'expression véritable d'un terroir. Je parle de ces précurseurs d'arômes parce que nous les connaissons et nous les utilisons comme des marqueurs. Mais il y a d'autres composés, encore inconnus, qui expliquent probablement l'aptitude d'un terroir à générer des vins de garde. Ce que je veux dire c'est que je ne cherche pas à mettre en avant l'expression variétale d'un cépage, le terroir s'en charge pour moi. Et l'on ne peut pas condamner le Sauvignon parce qu'il sent le Sauvignon. Je dirais qu'il serait anormal qu'il sente autre chose, le Chardonnay par exemple. Je demande au Sauvignon de Pouilly Fumé de sentir le Sauvignon de Pouilly Fumé, à celui de Bordeaux de sentir celui de Bordeaux, etc. Et chacun aura une expression variétale. De la même façon que j'attends d'un Chardonnay de Chablis d'avoir son expression variétale et d'un de Meursault d'avoir également la sienne, différente de la première. Vous l'aurez compris, on peut (et doit) décliner ceci pour tous les cépages. <br /> <br /> De nouveau, vous avez raison quand vous défendez la diversité des vins. Elle traduit la diversité des terroirs. Tout artifice qui contribue à réduire cette diversité devrait être banni, du moins dans le monde des vins artisanaux, c'est à dire ceux qui nous font rêver. Et je crois fermement que la levure sélectionnée (et bien sélectionnée, c'est à dire selon les critères que j'évoque) va plutôt dans le sens de la diversité. Tout comme (et avant tout) un travail respectueux de la vigne, qu'il soit selon une discipline conventionnelle, bio ou biodynamique.<br /> <br /> A votre santé!
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M
Cher Monsieur Roujou,<br /> <br /> <br /> <br /> Au lu de votre réponse sur le blog des "5 du vins", j'imaginais bien que vous pourriez me faire le plaisir d'une réponse que j'admets bien circonstanciée et modérée.<br /> <br /> Ne lisez toutefois pas à travers mes propos une volonté de raccourcir mes idées ou "des" idées, cela n'est pas vraiment le cas, ceux qui me connaissent, du moins en Alsace, savent que je ne passe pas mon temps à mettre à l'index les vignerons utilisant les levures sélectionnées unilatérallement ou de façon ponctuelle. <br /> <br /> Seulement je m'élève, à la lecture du titre de l'article de Monsieur Cobbold et de sa conclusion au fait de prouver que les levures exogènes sont "meilleures". Arriover à la notion de "meilleur" par la notion de "sélection" me perturbe vraiment.<br /> <br /> Certes oui, certaines levures sont, comme vous le dites bien, plus neutres que d'autres, et certes oui, leur usage n'est pas obligatoirement lié à un formatage des vins. <br /> <br /> Mais la nature humaine, la structure mondialisante du goût, la tendance au formatage du produit, me fait tout de même penser, qu'à terme, c'est vers un centrage organoleptique que l'usage de levures sélectives va tendre, à l'absolu.<br /> <br /> Dans votre argumentation sur le site de Monsieur Cobbold et ses partenaires, vous citez l'usage des levures qui ont pour but à promouvoir, tel un coenzyme, la genèse de l'aromatique primaire du cépage sauvignon, ce qui à vos yeux ne modifie rien en terme de modification dans l'expression. C'est une position que je respecterais bien si j'étais un amateur de sauvignons variétaux, mais il se fait, que même à ce niveau, je pense que promouvoir le variétal reste une atteinte à l'expression du terroir. Il est vrai que je suis élitiste dans mon raisonnement, puisque du fait de mes dires, je fais table rase de 95% des vins produits et qui font le bonheur, à bas prix, de la grande distribution. Certes...<br /> <br /> <br /> <br /> Je reste au plaisir de vous lire.
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D
Je reprends le commentaire d'Olif qui a lui tout seul résume pour moi toute l'histoire. Et c'est d'ailleurs ainsi que je conclue un (long) commentaire sur le blog des 5 du vin suite à l'article de D. Cobbold.<br /> <br /> Je suis bien d'accord sur le fait qu'il faille éviter les raccourcis. Vous accusez D. Cobbold d'en faire, mais je constate qu'en le présentant comme le défenseur du vin industriel, et par la même, accusant le vinificateur qui utilise des levures sélectionnés d'avoir choisit la "voie de l'industrialisation triomphante", vous faites également un drôle de raccourci.<br /> <br /> Croyez-vous sérieusement qu'un vin issu d'une fermentation non spontanée serait le "nouvel emblème de la mondialisation victorieuse qui préfère un produit pasteurisé, fixé organoleptiquement, à une diversité toute terrienne voir même humaine"??<br /> <br /> Je crois qu'il existe des vins humains, sensibles, exprimant sincèrement leurs terroirs, qu'ils aient été produits ou non avec des levures sélectionnées. Attention, quand je parle de levures sélectionnées, je me réfère pour ma part à ces nombreuses levures sélectionnées et neutres, c'est à dire ne faisant que leur boulot de révélation du potentiel du raisin. J'exclue les levures qui fabriquent des arômes n'ayant rien à voir avec le terroir. Sinon on tombe effectivement dans l'uniformisation des goûts, où un nero d'avola sicilien, un monastrell de Murcie, une syrah de Turquie ou un gamay du Beaujolais arrivent effectivement à sentir tous la même chose si l'on utilise la même levure mise dans les mêmes conditions de fermentation.<br /> <br /> Vous avez raison quand vous affirmez que de la diversité naît la richesse de la vie. Mais ne croyez-vous pas que la diversité vient, davantage de la formidable collection de cépages, de sols, de climats, de sensibilité du vigneron que de l'usage d'une levure sélectionnée ou non?<br /> <br /> Que triomphe le plaisir des amateurs, sans dictat aucun!
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